dimanche 15 novembre 2009

Espèce de…

Espèce de… espèce de… Mais d’ailleurs, c’est quoi une espèce ?
La notion d’espèce est généralement définie en biologie comme « un groupe d’individus, partageant des caractéristiques morphologiques communes, capable de se reproduire entre eux, et dont la descendance est non seulement viable mais aussi fertile ».

Alors pourquoi cette définition à rallonge ?

Et bien tout simplement parce que la notion d’espèce reste encore à ce jour assez floue. A cela, quelques raisons simples : il est toujours assez difficile de trouver des définitions “simples“ pour décrire rigoureusement certains concepts de biologie (Cf. l’article précédent traitant de la notion de VIE). Ce à quoi s’ajoute une deuxième difficulté, celle de définir une notion, elle-même en constante évolution depuis Darwin et son célèbre “de l’origine des espèces“. Cette définition s’est enrichie, affinée au cours du temps pour finalement aboutir à cette définition qui ne fait pas l’unanimité au sein du milieu scientifique.

Pourquoi ces différents critères ?
Commençons par le début : “un groupe d’individus partageant des caractéristiques morphologiques communes“.
S’il vous paraît évident au premier coup d’œil qu’un chat et un chien n’appartiennent pas à la même espèce, il en va autrement pour un berger allemand et un chihuahua, qui contre toute attente, eux, appartiennent à la même espèce : Canis familiaris, premier écueil : celui de l’identification visuelle des espèces.

Une autre difficulté apparaît aussi avec cette définition : celle du dimorphisme sexuel.
N’ayez pas peur, sous ce terme très scientifique se cache une notion assez basique : le fait que mâle et femelle d’une même espèce ne présentent pas les mêmes caractéristiques morphologiques. Si pour les Mammifères, ces caractéristiques relativement peu marquées, permettent toujours de reconnaître deux membres d’une même espèce, cela est beaucoup moins évident pour bon nombre d’autres animaux.
Prenons l’exemple des paons, où le mâle est paré d’un plumage très coloré avec de longues plumes irisées, alors que la femelle au plumage uni, semble elle, terne à côté. Et je ne vous parle pas des vers ou des araignées dont les mâles et les femelles, étaient jusqu’à très récemment considérés comme appartenant à des espèces différentes, alors qu’il ne s’agissait en réalité, que d’un dimorphisme sexuel :
- Schistosome : ver parasite où la femelle, 4 à 5 fois plus petite que le mâle vit en permanence à l’intérieur du mâle.
- Néphila : araignée dont l’une des particularités est que le mâle est 10 fois plus petit que la femelle.

Il a donc fallu ajouter quelques précisions à cette première définition :
L’interfécondité,
critère énoncé sous la formulation : “capables de se reproduire entre eux“.
En effet, si deux individus peuvent se reproduire, c’est bien qu’ils appartiennent à la même espèce. Ce critère solutionne donc le problème du dimorphisme sexuel, mais en soulève d’autres : certaines espèces encore proches génétiquement sont capables de se reproduire et de donner naissance à des individus viables. Citons les plus connus : mulet (âne + jument), bardot (ânesse + cheval), tigron fruit d’un croisement entre une lionne et un tigre, et bien d’autres, que vous pourrez connaitre en cliquant ici. http://fr.wikipedia.org/wiki/Hybride


Mais pourquoi deux espèces différentes sont elles capables de donner naissance à un individu hybride combinant une partie des caractéristiques propres à ses deux parents ?
Si vous regardez plus attentivement cette liste, vous vous apercevrez qu’il s’agit d’espèces relativement proches : âne et cheval, tigre et lion… On reste toujours au sein d’une même famille (les équidés pour l’âne et le cheval, et les félidés pour le tigre et le lion) traduisant ainsi une proximité génétique entre ces espèces. Celles-ci partageant encore bon nombre de gènes en commun, peuvent donc être interfécondes.
On voit donc apparaître une nouvelle difficulté : l’interfécondité n’est pas propre aux membres d’une même espèce, puisque des espèces relativement proches génétiquement peuvent, elles aussi, être interfécondes. Ce à quoi s’ajoute l’obligation de devoir observer les différents individus lors de l’acte sexuel et au cours des mois qui suivent, afin de prouver ou non leur interfécondité, et la viabilité du fruit de leur union.

Pour pallier à ces difficultés, les scientifiques ont dû ajouter un nouveau critère à cette définition déjà plusieurs fois complétée : celui de la fertilité de ces hybrides.
S’il existe de nombreux cas d’hybridisme, rares sont ceux qui conduisent à la naissance d’individus fertiles. Si le croisement entre deux espèces proches permet la création d’un hybride, ce dernier possédant pour moitié les chromosomes d’une espèce et pour moitié ceux de l’autre espèce, se verra incapable de produire des gamètes fertiles. En effet le processus conduisant à la formation de ces cellules reproductrices (la méiose) ne pourra se dérouler normalement, faute d’appariement entre chromosomes homologues, puisque ceux d’un hybride sont par nature issus de deux espèces différentes.
Ce critère de fécondité de la descendance permet de restreindre la notion d’espèce et d’en exclure les hybrides, en reconnaissant comme appartenant à deux espèces différentes tout individu dont le croisement engendre une descendance stérile. Mais cela présente aussi certaine contrainte : celle de devoir observer les individus étudiés, non plus seulement, sur une génération comme c’était le cas auparavant, mais sur deux générations, afin de s’assurer de la fertilité ou au contraire de la stérilité de leur descendance.

On l’a vu, la notion d’espèce n’est pas évidente à définir, et nécessite des analyses souvent fastidieuses, que cela concerne la durée d’observation (plusieurs générations de l’espèce étudiée), mais aussi l’analyse en elle même : séquençage du génome de l’espèce étudiée puis comparaison avec d’autres espèces, dont le génome aura du être lui aussi séquencé.
Cette notion d’espèce est cependant capitale pour les scientifiques. C’est grâce à elle, qu’ils peuvent classer et référencer les êtres vivants. On estime actuellement qu’il existe entre 5 et 30 millions d’espèces vivant sur Terre, dont seulement 1,5 à 1,8 millions sont connues et décrites par les scientifiques. Et cette estimation risque fort d’être revue à la hausse, car chaque année, les scientifiques découvrent encore plus de 10 000 espèces nouvelles, grâce à l’utilisation de la génétique et à l’extension géographique des zones de recherche : fonds abyssaux, forêts profondes, zones polaires…

Cette notion d’espèce, de plus en plus critiquée au sein des sphères scientifiques ne cesse d’évoluer avec l’avancement des techniques et technologies. Elle risque donc fort d’être, d’ici peu, une nouvelle fois modifiée, voire totalement abolie, car pour certains scientifiques renommés, elle ne repose pas sur des bases scientifiques solides. Ils la considèrent seulement comme un simple outil au service des Hommes pour organiser et classer le monde à leurs convenances.
Le débat reste donc ouvert…

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