dimanche 15 novembre 2009

Oh toi autrui !

Alors pour débuter qu’est-ce qu’autrui ? Autrui est défini en philosophie comme un alter ego, littéralement : « un autre moi ». Un individu semblable à moi, sans pour autant être moi. Vous allez me dire « oui d’accord et alors ?! », et bien cette “simple“ définition induit tout une série de questions : Comment identifie-t-on ce fameux autrui ? A partir de quand a-t-on conscience de lui ? Et quels sont mes rapports à lui ?

La conscience d’autrui, ou la conscience de sa propre identité :
En effet, pour identifier autrui, il faut d’abord être capable de s’identifier soi-même. Alors comment faire pour étudier ce phénomène ? Les scientifiques ont trouvé la solution, ils l’appellent “le test de la tâche“, un nom relativement étrange pour décrire une expérience plutôt simple : Prenez un individu, sans qu’il s’en rende compte, placez-lui une tâche de peinture sur le nez (ou sur toute zone qu’il est incapable de visualiser sans l’aide d’un miroir), puis confrontez le à son reflet dans un miroir. Si l’individu a conscience de lui, il se touchera le nez pour effacer cette tâche disgracieuse.


A quel âge commence-t-on à avoir conscience d’autrui ?
Le psychanalyste et psychiatre Jacques Lacan a effectué dans les années 1970 de nombreuses expériences chez les jeunes enfants pour déterminer et identifier cet âge limite : c’est le fameux miroir lacanien, bien connu des psychanalystes. Confrontés au test de la tâche, seuls les enfants âgés d’au moins 18 mois réussissent le test.






Dans les années 90 des expériences similaires ont été menées, cette fois sur les animaux. Confrontés au même test, seuls quelques Mammifères : dauphins, éléphants d'Asie, orques, chimpanzés et orangs-outans réussissent le test. Fait remarquable, il semblerait que les jeunes chimpanzés soient même plus précoces que les jeunes enfants pour se reconnaître dans un miroir.

Relations à autrui :
Jean-Paul Sartre, énonce dans son livre Huit clos : « L’enfer c’est les autres », sans aller jusqu'à cette extrémité, on peut tout de même affirmer que la présence d’autrui modifie nos comportements : Il y a certaines choses qu’on ne peut se permettre de faire en présence d’autrui sans ressentir une certaine gêne voire une certaine honte : trébucher et tomber, se cogner à une baie vitrée ou à un poteau, éructer, se gratter le nez… D’ailleurs à propos de cette dernière pratique, amusez-vous à observer les automobilistes vous entourant, lorsqu’ils sont à l’arrêt dans un bouchon ou à un feu rouge, vous tomberez assez fréquemment sur l’un d’entre eux, qui dans un environnement confiné et familier, se croyant seul, se trompe et se fourre le doigt dans l’œil et accessoirement dans le nez.
Un autre élément est à noter, la présence d’autrui n’est pas toujours nécessaire pour induire chez nous des comportements différents, parfois il suffit qu’elle soit suggérée. J’en veux pour preuve un documentaire que j’ai vu sur Arte, il y a de cela deux ou trois ans. Dans ce documentaire, une expérience sur la perception d’autrui était réalisée auprès de jeunes enfants âgés de 5 et 7 ans. L’expérience se déroulait en deux étapes : dans la première, on faisait entrer un par un les enfants dans une pièce où deux adultes leur posaient des questions simples, dont ils avaient forcément la réponse.
En récompense pour leurs bonnes réponses, on leur disait d’aller dans la pièce voisine pour prendre UN unique bonbon dans un saladier disposé à cet effet, en insistant bien auprès de l’enfant, sur le fait de n’en prendre qu’un, sous peine qu’il n’en reste plus assez pour les camarades suivants. Dans la pièce voisine totalement vide hormis le saladier, étaient dissimulées deux caméras, permettant de filmer l’enfant lorsqu’il était en face du saladier de bonbon. Dans cette configuration, seul un enfant sur trois ne prenait qu’un seul bonbon, les autres se servant plusieurs fois dans le saladier, voire pour certains s’en remplissaient les poches avant de quitter la pièce.
La même expérience fut reproduite, avec cette fois l’ajout d’un miroir en face du saladier, si certains enfants continuaient à prendre plusieurs bonbons, la grande majorité se contentait d’un seul, certains à l’inverse, commençaient par en prendre plusieurs puis relevant les yeux et croisant leur reflet dans le miroir, s’empressaient de reposer l’excédent. La conclusion de cette expérience avait été que, confronté à son reflet, un individu se voyant faire une chose répréhensible, prenait conscience de son acte et de l’image que cela projetait de lui, il est alors comme mis en présence d’une autre personne (autrui) et à son jugement, et le plus souvent il choisit de le prendre en compte, modifiant ainsi son comportement alors qu’il est en réalité seul.

En philosophie on dit que l’on se construit sa propre identité au travers du regard des autres, de l’image qu’on leur projette de nous-mêmes, on comprend donc aisément l’importance de cet autrui, véritable pierre angulaire de notre propre identité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire